[Mise à jour – novembre 2025]
Marie-Pierre N’Guessan-Elogne s’est éteinte le 19 novembre 2025.
Pierre Velut, Représentant de la Fondation Raoul Follereau en Côte d’Ivoire lui rend hommage :
« Pour ceux qui ont eu l’honneur de la connaître ou de visiter la Maison Saint Joseph à Bonoua, Marie-Pierre n’était pas seulement une assistante sociale ou une formatrice : elle était une mère pour ceux qui n’en avaient plus, une lumière pour les oubliés, une voix pour les enfants dont la souffrance reste invisible. De Crescendo-Vie à la Maison Saint Joseph de Bonoua, elle a construit un véritable havre de tendresse où tant d’enfants blessés ont retrouvé dignité, regard, sourire. Son engagement, total et profondément humain, a marqué tous ceux qui l’ont croisée. Aujourd’hui, elle s’endort dans la paix. Mais ici, son œuvre continue de vivre dans chaque enfant qu’elle a sauvé, dans chaque vie relevée, dans chaque geste posé avec humilité et bonté. Une femme exceptionnelle s’en va, laissant derrière elle un héritage d’amour et d’espérance. »
Ancienne assistante sociale, Marie-Pierre recueille les enfants handicapés abandonnés.
« Quand j’ai commencé à travailler, en 1986, je fus témoin de situations dramatiques. » Marie-Pierre N’Guessan-Elogne égraine ses souvenirs d’une voix douce et posée : des enfants dans les latrines, enchaînés dans des maisons, abandonnés sur les rails du train… Tous étaient porteurs d’un handicap. Marie-Pierre est une ancienne assistante sociale chevronnée de la fonction publique qui a formé de nombreux jeunes. Ses débuts professionnels sont marqués au fer rouge par ces images. « Je travaillais alors pour le Bureau Catholique de l’Enfance en Côte d’Ivoire. Nous avons sauvé des enfants de la mort. Ce sont des choses qui me sont restées. » Le nombre de personnes porteuses d’un handicap s’élèverait à 3 millions en Côte d’Ivoire. L’État ivoirien est signataire de mesures législatives pour l’intégration et la promotion des personnes handicapées. Pour autant, elles restent une population vulnérable : l’enfant handicapé psychique est vu comme un mauvais génie dont il faut se débarrasser au risque de s’attirer une malédiction.
Un projet parti du cœur
Après une retraite anticipée, Marie-Pierre fonde une petite association : Crescendo Vie, dont l’objectif principal est l’action sociale au service du développement intégral de l’être humain. Un jour, alors qu’elle tenait la permanence de son association, elle reçoit la visite d’une de ses anciennes élèves, devenue directrice d’un centre social : « Elle voulait que je m’occupe d’une enfant handicapée abandonnée. » Marie-Pierre décide de vivre avec l’enfant à Grand Bassam, à l’Est d’Abidjan, dans un petit appartement. « Quand j’ai vu cette enfant dans un état de déshumanisation profonde, ça fait mal au cœur. J’ai commencé à faire des collectes de fonds et à mobiliser les stagiaires de mon association pour la soigner, la nourrir. » Du dénuement total, à la solitude, « nous avons bravé toute sorte de choses elle et moi. Et puis j’ai eu d’autres enfants que les services sociaux me confiaient. C’est comme ça que l’aventure est partie. » Marie-Pierre fonde la maison Saint Joseph à Bonoua pour les enfants handicapés et abandonnés. Le centre est soutenu par la Fondation Raoul Follereau et accueille une dizaine d’enfants âgés de 5 à 21 ans jour et nuit. Ils y sont soignés, stimulés, éduqués, pour ceux qui peuvent suivre une scolarité adaptée, et surtout aimés. Marie-Pierre est épaulée par une vingtaine d’aides maternelles qui se relaient et dorment sur place. « Nous n’accueillons pas trop d’enfants pour maintenir la qualité des soins. » Depuis la création de la maison Saint Joseph, « certains enfants sont au paradis. Notre projet est parti du cœur pour répondre aux besoins d’enfants innocents », conclut Marie-Pierre. En somme : aider les enfants handicapés à retrouver leur dignité.
Fragments de vies au centre Saint Joseph