Depuis dix ans, la microbiologiste Charlotte Avanzi participe à la recherche sur la lèpre. La bactérie responsable de la maladie fascine la chercheuse qui poursuit ses travaux au Colorado, au service des patients, en collaboration avec les cliniciens sur le terrain. 

« J’ai découvert la lèpre par l’énigme entourant Mycobacterium leprae ».

D’un timbre doux et passionné, Charlotte Avanzi évoque le premier contact qu’elle a eu avec la maladie séculaire : son arbre phylogénétique. Cette carte présentant la répartition dans le monde des souches de la bactérie – Mycobacterium leprae – l’a intriguée : pourquoi, sur tous les continents, certains patients sont-ils atteints par la lèpre, et d’autres non ? et comment faciliter la recherche sur une bactérie si difficile à cultiver au laboratoire ? À l’époque,  diplômée de pharmacie à Grenoble, elle effectue ses premiers stages de recherche sur des maladies infectieuses, à Lyon puis à Madagascar. Décidant de consacrer sa thèse à la lèpre, elle rejoint à Lausanne le laboratoire du professeur Stewart Cole (*) dont la vision et la carrière, toutes entières au service des patients, vont la marquer durablement. 

Des projets ayant un impact concret pour les malades

Charlotte Avanzi a toujours eu à cœur d’aider les autres. Sapeur pompier-volontaire en parallèle de ses études, elle s’est engagée dans la voie de la recherche pour apporter un soutien aux patients : « je voulais travailler sur un projet ayant un impact concret pour les malades. »  Aux côtés du professeur Stewart Cole, elle oriente sa thèse sur le diagnostic moléculaire afin d’aider les cliniciens à trouver, de manière plus sensible, la bactérie responsable de la lèpre chez leurs patients. Une autre partie de sa recherche doctorale, soutenue par la Fondation Raoul Follereau, a porté sur les réservoirs environnementaux  et animaux de la bactérie ; c’est ainsi qu’elle a pu identifier, sur une île au large des côtes britanniques, des écureuils roux porteurs de Mycobacterium leprae – avec une publication de ces travaux en 2018. Enfin, elle a contribué à développer l’arbre phylogénétique de la bactérie grâce auquel les chercheurs tentent de comprendre comment les souches de la bactérie circulent dans les populations. « Ce furent quatre années incroyables de recherche ! Le professeur Stewart Cole était tellement impliqué pour trouver de meilleurs traitements pour les malades et proposer de meilleurs diagnostics aux soignants, qu’on ne pouvait qu’être motivé. Tous, nous partagions un même objectif : aider les patients. »

Lors de sa thèse, Charlotte Avanzi a identifié des écureuils porteurs de Mycobacterium leprae, sur Brownsea Island.
©Anna-Katarina Schilling

Au terme de sa thèse, Charlotte Avanzi part au Colorado effectuer son post-doctorat aux côtés du docteur Mary Jackson (**) : « J’ai choisi le laboratoire de Mary Jackson car celle-ci travaille sur les mycobactéries – responsables de la tuberculose,, l’ulcère de Buruli, la lèpre – et a une grande expertise sur les mécanismes de résistance au traitement contre la tuberculose. A ses côtés, j’ai ainsi pu poursuivre mes travaux sur les nouveaux mécanismes de résistance au traitement anti-lèpre. »

Voir aussi l’article : https://www.raoul-follereau.org/la-lepre-nattire-pas-les-financements-pour-la-recherche/  

Aujourd’hui, Charlotte Avanzi a son propre laboratoire au Colorado. Elle y développe 4 axes de recherche : comprendre les résistances au traitement ; comprendre la transmission de la bactérie par l’homme, l’environnement et les animaux ; développer des biomarqueurs pour suivre l’efficacité du traitement ; et, en partenariat avec la fondation, soutenir techniquement les diagnostics des cliniciens pour détecter la bactérie chez les patients et les résistances. Elle enseigne par ailleurs comme professeur à la Colorado State University.

Lorsque la lassitude pointe face aux difficultés pour trouver des moyens de financement, la chercheuse garde en tête chacun des malades rencontrés au cours de ces dernières années : cette femme en Inde abandonnée de son mari, aveugle et ayant perdu l’usage de ses mains en raison de la lèpre ; cette petite fille au Sénégal, renfermée sur elle-même, n’ayant plus que trois doigts lui permettant de suivre à l’école… Dans son laboratoire ou auprès des cliniciens sur le terrain, Charlotte retrouve toute sa détermination.

Une certitude pour elle :

«  Le monde de la recherche sur la lèpre est un monde qui collabore, et des personnes continuent de s’impliquer. Ensemble, et en partenariat avec les systèmes de santé des pays, on peut diminuer l’impact de la bactérie sur les populations. »

(*) Le professeur Stewart Cole est président de la commission médicale de la Fondation Raoul Follereau. Il dirigeait à l’époque l’Institut mondial de la santé à l’EPF de Lausanne et a par la suite dirigé l’Institut Pasteur à Paris.
(**) Le docteur Mary Jackson est chercheur et membre de la commission médicale de la Fondation Raoul Follereau.