Photo en couverture :
Céline Lawani, responsable de service au CDTLUB de Pobè
auprès de laquelle Blanche a exercé durant ces 3 mois.
En avril dernier, Blanche, jeune infirmière originaire de Lyon, a rejoint le centre de traitement de la lèpre et de l’ulcère de Buruli (CDTLUB) de Pobè, au Bénin. Une immersion bénévole de 3 mois, avec la Fondation Raoul Follereau, au cœur d’une réalité médicale aussi exigeante que profondément humaine.
FRF : Blanche, il y a 3 mois, vous atterrissiez à Cotonou – capitale économique du Bénin. C’est votre 1ère expérience à l’étranger, quelles ont été vos premières impressions ?
Blanche : Je suis arrivée un dimanche soir à Cotonou, et le lendemain matin tôt, nous prenions la route avec le directeur du CDTLUB, Oswald Attolou, pour être à 8h à Pobè. Celui-ci m’a demandé si je voulais prendre du repos, j’ai préféré commencer tout de suite. Le premier soin auquel j’ai assisté, c’était la prise en charge d’une plaie grave, affectant toute la jambe d’une patiente, par l’infirmière responsable du service d’Hospitalisation A, Céline Lawani [ci-dessus en photo]. La patiente était atteinte de diabète et semblait avoir très mal, je m’en souviens encore !
Des plaies, j’en avais déjà soigné en France lors de mes stages. Mais ce qui m’a frappée à mon arrivée, c’est le nombre de plaies graves, je ne m’attendais pas à en voir autant.
Et puis, tout était nouveau : la culture, la manière de vivre, et le fait d’entendre les enfants crier « yovo ! » à chaque fois que je sortais dans la rue, au début ce n’était pas évident.
FRF : Le CDTLUB de Pobè, soutenu par la Fondation Raoul Follereau, est spécialisé dans le traitement des maladies tropicales négligées cutanées (ulcère de Buruli, lèpre, etc.) et reçoit de nombreux patients présentant d’autres affections de la peau comme des ulcères chroniques. Quel regard portez-vous sur la prise en charge du malade dans ce contexte hospitalier nouveau pour vous ?
Blanche : Soignants, nous partageons un même souci de faire ce qu’il y a de mieux pour le malade. Mais le rapport à la douleur est différent : ici, je vois les patients beaucoup prendre sur eux-mêmes, ils ne négocient pas, ne refusent pas de soins qui pourraient être douloureux. Du côté des infirmiers et des aides-soignants, ils sont vigilants à ce que le patient ressent mais ils ne vont pas hésiter à être assez énergiques si la situation le nécessite : la priorité c’est de traiter la plaie, la maladie.
Des situations et des confidences m’échappent à cause de la langue (il y a beaucoup de langues locales), mais j’observe le lien de confiance qui naît entre le patient et les soignants. En service d’hospitalisation A, les malades arrivent souvent avec des plaies sales et contaminées. Peu à peu, ils voient la plaie évoluer dans le bon sens. Et lorsqu’ils passent dans le service d’hospitalisation B dirigé par l’infirmière-psychologue Armelle Zitty, c’est un grand pas vers la sortie pour eux. On change d’ailleurs d’ambiance, le service est plus calme, les patients se reposent, cela facilite la cicatrisation.
FRF : Au terme de votre bénévolat, diriez-vous que cette expérience a changé quelque chose en vous, qu’en retirez-vous ?
Blanche : Il y a des choses qui ont été difficiles, par exemple voir des patients se présentant avec des érésipèles non traités [infections de la peau dues à une bactérie] : j’ai trouvé ça très dommage car cela aurait pu être évité. Des situations compliquées socialement aussi étaient éprouvantes, comme cette petite fille confiée à une autre malade car sa mère ne pouvait venir s’en occuper.
Mais j’ai aussi été marquée par le soin accordé aux relations dans les équipes. En France, les relèves d’une garde à l’autre sont très rapides et on se contente de faire le point sur les patients. Ici, à Pobè, la place est donnée à l’échange et à la gestion des conflits. On peut consacrer une heure de temps, après la relève, à écouter un membre de l’équipe s’exprimer sur une difficulté vécue pendant le service. Ce n’est pas un règlement de comptes, mais une discussion ouverte où chacun peut s’exprimer. Cela favorise une bonne ambiance de travail.
Ma joie, ça a été de voir le chemin parcouru par les patients. Je pense notamment à cette femme dont je parlais, Madeleine, atteinte d’un diabète, qui s’était présentée avec une plaie sur toute la jambe. Elle avait le visage maigre et ravagé à son arrivée, elle parlait peu et se déplaçait en fauteuil roulant. Aujourd’hui, son visage a changé, elle est très belle. Voir Madeleine marcher dans le couloir, et sourire, c’est une vraie joie !