En raison des divers conflits croisés, l’enseignement et l’éducation au Mali sont en grande déshérence. La situation sécuritaire est particulièrement chaotique dans le Nord et le centre du pays. Dans ces régions, l’année scolaire 2017/2018 a été marquée par la fermeture de plus de 700 écoles. Une année zéro pour des centaines de milliers d’enfants.
Depuis le coup d’Etat de 2012, le gouvernement malien peine à reprendre le contrôle de l’ensemble de son territoire. Dans le Nord et le centre du pays, la violence habite le quotidien des habitants. Attaques, viols, enlèvements, assassinats… La population civile vit dans un climat de peur face à une menace réelle. Les premiers à en payer le tribut sont les enfants.
Plus de 330 000 enfants déscolarisés
D’après le rapport d’octobre 2018 du secrétaire général de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), 735 écoles ont été fermées dont 60 % dans la région de Mopti. Ce sont 332 400 enfants qui ont été déscolarisés. « Les adolescents désœuvrés sont un terreau fertile pour les djihadistes qui tentent de les recruter. De plus, la guerre laisse derrière elle beaucoup d’orphelins et de mamans seules, veuves ou abandonnées, qui ne peuvent pas payer les frais de scolarité. », explique le père R., un prêtre malien qui souhaite rester anonyme, pour sa sécurité.
Le religieux a vu son pays mis à feu et à sang. Aujourd’hui, il tente de rescolariser les enfants de Mopti, Gao et Koro. « Les islamistes imposent l’enseignement de l’arabe et du Coran dans les écoles. Ceux qui s’y opposent sont tués et l’école est fermée. » Dans le but de réaffirmer l’autorité de l’Etat, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, est venu en visite à Mopti en octobre dernier, à l’occasion de la rentrée scolaire. « Il devait aller à Sévaré mais les djihadistes ont fermé l’école avant son arrivée. » Alors que le Premier ministre avait renoncé de se rendre à Sévaré, trois enfants ont décidé de chanter l’hymne national malien en signe de résistance et « ont été égorgés par les djihadistes. »
La plupart des parents, dont les enfants ont été déscolarisés, sont des saisonniers et travaillent dans les champs. Bon nombre ont perdu leur travail à cause des conflits intercommunautaires. « Si tu t’éloignes du village, tu risques de te faire tuer et voler ton troupeau », déplore le prêtre, « la petite économie locale est complètement déséquilibrée. »
L’école change des vies
Au-delà de l’aspect financier et matériel, beaucoup d’enfants sont traumatisés par la guerre et ont du mal à reprendre l’école. C’est le cas d’Halima et Maïmounatou, deux sœurs d’une dizaine d’années. « Ces deux filles sont orphelines de mère depuis des années », explique la directrice de leur école à Gao, « leur père a été tué par des bandits en février 2018. Qui est à l’origine de cet assassinat ? Pourquoi a-t-il été assassiné ? Personne ne le saura. Pendant la récréation, elles sont toutes les deux, ensemble sous un arbre, sans faire le moindre pas pour aller jouer avec les autres. Impossible de savoir ce qu’il se passe dans leur cœur et leur esprit. »
Malgré tout, le père R. est optimiste en raison des multiples démarches de réconciliations entre l’Etat et les groupes armés dissidents. D’après un rapport de la MINUSMA, le Premier ministre malien a rencontré en octobre 2018 des représentants des communautés dogon et peule. « Les Peuls maliens sont dépassés par leur propre jeu et ont besoin d’aide », explique le prêtre. Le djihadiste Amadou Koufa avait appelé tous les Peuls au djihad pour établir le califat peul au Mali. Des Peuls des pays frontaliers ont donc rejoint les groupes armés. « La réalité, c’est que les Peuls maliens ne sont plus maîtres de leur territoire. Les Peuls étrangers prennent même leurs femmes. » Amadou Koufa a été tué au cours d’une opération des forces spéciales françaises en novembre 2018 dans la région de Mopti. Avec la présence de bases militaires maliennes, les Peuls étrangers commencent à quitter le Mali.
Le père R. ne perd donc pas espoir et, malgré le danger, continue son action en faveur de la scolarisation. « Je suis toujours à la recherche de bourses pour les enfants orphelins et les plus démunis. Les besoins sont immenses. L’aide de la Fondation Raoul Follereau nous a permis de payer les frais de scolarité de 177 enfants de Koro et Sévaré, d’acheter du riz, de l’huile et des biscuits pour les plus jeunes. »
Face à un avenir très incertain au Mali, l’école et l’éducation sauvent des vies.