Depuis 2018, la Fondation Raoul Follereau appuie le programme de lutte contre la lèpre en Nouvelle-Calédonie. Le 11 mars dernier, le gouvernement et la Fondation ont signé une convention qui entérine et pérennise leur coopération.
Dans le 3ème plus vaste territoire insulaire du Pacifique-Sud, la lèpre existe toujours, comme dans la plupart des îles du Pacifique, et ce, malgré la chute drastique du nombre de nouveaux cas grâce à la polychimiothérapie introduite en 1985. « La lèpre reste une maladie honteuse pour les habitants et peu connue des médecins, cela entraîne des errances et des diagnostics tardifs » relève Vanessa Top (ci-dessus à droite sur la photo), infirmière coordinatrice du programme de lutte contre la lèpre au sein de la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales de la Nouvelle-Calédonie (DASS-NC). « Le programme de lutte contre la lèpre et la Fondation Raoul Follereau apportent un appui fondamental aux médecins et aux infirmiers car l’expertise technique sur la lèpre se perd, et il faut transmettre les compétences » poursuit-elle. Des trois Provinces, celle du nord est la plus touchée. C’est sur Art, l’île principale des Belep à l’extrême-nord de la Grande Terre, qu’ont débuté le partenariat et les activités de dépistage actif, en 2018.
Un fléau ancestral en voie d’élimination dans l’archipel des Belep
« Tout a commencé par une recherche-action[i] » explique le Dr Bertrand Cauchoix, conseiller médical de la Fondation Raoul Follereau, « à la demande de la DASS de la Nouvelle-Calédonie, nous sommes allés sur les îles Belep en 2018, nous y avons reçu en consultation la population de l’archipel (environ 800 personnes) et avons formé sur la lèpre les personnels de santé ». À la fin du XIXe siècle, l’île principale des Belep vidée de sa population avait abrité une léproserie centrale durant quelques années. Pour répondre aux habitants s’interrogeant sur la persistance de la maladie au XXIe siècle et demandant une action, un dépistage de masse a donc été organisé en 2018. Le dépistage s’est accompagné d’une étude scientifique sur l’épidémiologie et les facteurs de transmission. À cette occasion, un partenariat tripartite est né, rassemblant le programme de lutte contre la lèpre (DASS-NC), le Centre National de Référence des Mycobactéries (CNRM-MyrMA) pour les activités de laboratoire, et la Fondation Raoul Follereau pour le soutien clinique et financier. Ces liens n’ont cessé, depuis, de se resserrer, en dépit des suspensions d’activité dues à la crise du Covid-19, entre 2020 et 2022, et aux difficultés pour circuler sur le territoire, en 2024.
M. Claude Gambey (à droite), membre du gouvernement en charge de la Santé, a reçu le Dr Bertrand Cauchoix (à gauche), à l’occasion de la signature de la convention de partenariat. (©DASS-NC)
Un réseau d’acteurs engagés sur le terrain
Depuis les émeutes de mai-juin 2024, la crise socio-économique secouant la Nouvelle-Calédonie a aussi fragilisé le système de santé. Les rotations du personnel médical et les récents départs de médecins et d’infirmiers ne permettent pas d’assurer une permanence des compétences sur une maladie aussi peu connue que la lèpre. Pour pallier ces manques d’effectifs, le programme de lutte contre la lèpre, en partenariat avec les Provinces, s’appuie sur une approche communautaire et sur les centres hospitaliers territoriaux et met en place une formation des professionnels de santé, parmi lesquels les auxiliaires de santé. « Les auxiliaires de santé sont les agents qui connaissent le mieux la population, ils parlent les langues locales et exercent dans des centres de proximité répartis sur tout le territoire » souligne Vanessa Top. Parallèlement, la DASS-NC envisage la mise en place de formations audio-visuelles dans les centres de santé.
Avec la signature de la convention de partenariat en mars 2025, le gouvernement de la Nouvelle Calédonie renforce encore son engagement dans la lutte contre la lèpre. Le Dr Cauchoix témoigne : « durant ma visite en Nouvelle-Calédonie, en mai, nous avons été reçus, les responsables de la DASS-NC coordonnant le programme de lutte contre la lèpre et moi-même, par M. Claude Gambey, membre du gouvernement en charge de la Santé. Nous avons acté la signature de la convention et longuement échangé sur la situation de la lèpre et des maladies tropicales négligées en Nouvelle-Calédonie. Quelques jours plus tôt, j’avais eu l’occasion de rencontrer le chef du gouvernement lui-même, de manière informelle : nous avons eu un entretien très intéressant sur le sujet de la lèpre. En tant que médecin, je peux témoigner du fort engagement du gouvernement. »
De nouvelles stratégies sont mises en place
Entre 3 et 10 nouveaux malades de la lèpre sont dépistés chaque année en Nouvelle-Calédonie. Si le chiffre semble bas, un autre plus significatif est le nombre d’enfants atteints, ils étaient 4 en 2023. Or la présence d’enfants atteints manifeste une contamination récente, et donc la circulation du bacille de la lèpre dans la population. De nouvelles stratégies ont dès lors été définies par la DASS-NC, avec le soutien de la Fondation Raoul Follereau, pour atteindre à moyen terme l’objectif d’élimination de la lèpre. Cet objectif « zéro lèpre » passe d’abord par l’absence de cas pédiatriques durant 5 années consécutives. Outre la poursuite des dépistages actifs, l’instauration de la chimioprophylaxie préventive des cas contacts a officiellement débuté en 2025. Le travail avec le CNRM-MyrRMA se poursuit aussi, notamment dans le cadre de la surveillance des résistances aux antibiotiques, en collaboration avec les équipes du centre hospitalier de Nouméa.
Enfin, un axe stratégique pour la DASS-NC est la sensibilisation de la population : les communes reçoivent à tour de rôle, depuis 2023, une exposition sur l’histoire de la lèpre et, dans les écoles, les échanges sont favorisés par l’utilisation de boite à questions. Et la population est réceptive. Sur l’île de Lifou, Vanessa Top garde un souvenir ému d’un chant traditionnel repris par une classe d’élèves de CM1-CM2 : celui-là même qui était chanté aux malades entrant dans les léproseries… Un espace de sensibilisation qui devient un travail de mémoire, tourné vers l’avenir.
- Découvrir le clip réalisé par la classe de CM1/CM2 à Lifou : Visite de la léproserie de Cila
- Voir aussi : Une exposition consacrée à la lèpre en Nouvelle-Calédonie
Photo en couverture (©DASS-NC) : Visite du site de l’ancienne léproserie de NEBE par la DASS-NC (Vanessa Top, à droite sur la photo) avec le soutien de la Fondation Raoul Follereau (Dr Bertrand Cauchoix, à gauche sur la photo) en mai 2025.
[i] La recherche-action dans le domaine de la santé, est une méthode de recherche qui associe les chercheurs et les acteurs de terrain (professionnels de santé, patients, institutions, etc.) pour analyser une problématique de santé, tout en mettant en œuvre des actions concrètes pour améliorer la situation étudiée.