Quelle histoire se cache derrière la petite Ema, tête d’affiche pour la 68ème journée mondiale des malades de la lèpre ?

 

En 2019, Ema est dépistée comme malade de la lèpre par sœur Clotilde, la directrice du centre de soin d’Imady, à Ambosita. Infirmière diplômée d’État depuis 1982, la religieuse a consacré presque quarante ans de sa vie aux soins des malades de la lèpre à Madagascar. Au cœur de la brousse, le centre d’Imady est difficile d’accès par la route. « Les sœurs missionnaires ont construit une petite maison et un dispensaire pour les populations dès 1965. Elles soignaient les malades de la lèpre », souligne sœur Clotilde. La religieuse est malgache, spécialiste de la lèpre. Après des études d’infirmière en Italie, elle revient vivre dans son pays natal. « Depuis mon retour, je suis responsable du dispensaire d’Imady. En 1987, j’ai été formée au dépistage et à la prise en charge des malades de la lèpre grâce à la Fondation Raoul Follereau », explique la religieuse. Au fil des années, le centre de soin est accrédité par le ministère de la Santé malgache, centre d’orientation et de référence pour la prise en charge des complications de la lèpre. « Il y a beaucoup de cas même si les chiffres sont à la baisse. » Le centre réalise environ 3500 consultations par an et dépiste, en moyenne, une dizaine de cas de lèpre.

Dans la région, les populations sont relativement isolées et pauvres. Deux critères qui favorisent la transmission de la lèpre, même aux jeunes générations. A l’image d’Ema, dépistée à l’âge de trois ans. « Sa famille est venue au centre pour être dépistée car un oncle et son frère présentaient aussi un tableau clinique évocateur », se souvient sœur Clotilde. D’un point de vue clinique, il est ardu de déceler cette maladie chez les enfants. « Les taches de lèpre se confondent avec les mycoses, courantes à leur âge. Mais Ema, compte tenu des antécédents familiaux, était bien porteuse d’une lèpre paucibacillaire, c’est-à-dire peu contagieuse. » La petite ­ fille a suivi le traitement et est désormais guérie.

 

Pour vaincre la lèpre, faut-il vaincre la misère ?

 

Ses lunettes chaussées sur le nez, sœur Clotilde est penchée sur le cahier de suivi d’un patient. Avec un sourire, elle tapote doucement de la pointe de son stylo la photo d’une jeune fille manifestement très handicapée par la maladie de la lèpre au niveau de ses membres. « Je garderai toujours en mémoire l’histoire de cette patiente », af­firme sœur Clotilde. En 2010, la religieuse croise la route d’une adolescente de 16 ans, mère de deux enfants et mutilée par la lèpre. « Personne ne la regardait », se souvient sœur Clotilde avec émotion, « Elle se nourrissait de racines dans la rizière. J’en ai pleuré. Alors j’ai cherché une place au centre pour elle. » Aujourd’hui, la jeune fille est guérie mais vit dans une grande misère. « Elle a toujours des problèmes de santé liés à la lèpre et ses mauvaises conditions de vie… Je pense souvent à ses enfants. » L’histoire qui se cache derrière le regard d’Ema n’est autre que celle de centaines d’enfants, d’adolescents et centaines de milliers d’adultes, touchés par la maladie dans le monde.

Ema dans les bras de sœur Clotilde en novembre 2020 à Imady (Madagascar).