En République Démocratique du Congo, le volcan le plus dangereux d’Afrique menace de se réveiller. Alors qu’une catastrophe humanitaire se profile, sœur Adeline, directrice d’un centre nutritionnel soutenu par la Fondation Raoul Follereau, a choisi de ne pas fuir afin de venir en aide aux milliers de déplacés.

 

En République Démocratique du Congo, le volcan Nyiragongo, un des plus dangereux d’Afrique, est entré en éruption le 22 mai 2021 provoquant des coulées de lave et des tremblements de terre. Située à 20 kilomètres au sud du volcan, la ville de Goma est directement menacée et a été évacuée le 27 mai 2021 sur l’ordre du gouvernement.

En quelques jours à peine, plus de 500 000 personnes, selon l’ONU, auraient quitté la ville dans la précipitation. Les déplacés ont emprunté trois routes différentes afin de s’éloigner le plus possible du volcan : la route vers Bukavu, la route vers le Rwanda à l’est et la route vers Saké à l’ouest.

« Il y avait un grande panique ces derniers jours », se souvient sœur Adeline, « ces importants mouvements de foule et la peur ont provoqué beaucoup d’accidents de la route. Nous avons soigné en urgence ces blessés ainsi que les femmes déplacées qui accouchaient alors qu’elles tentaient de fuir. » Sœur Adeline est infirmière et directrice du centre nutritionnel de la Providence, situé à Keshero à une dizaine de kilomètres de Goma, sur la route vers Saké. Elle a vu affluer les déplacés de Goma : « les gens ne restent pas chez nous car nous sommes encore trop proches du volcan pour être en sécurité. » Après avoir hésité, la religieuse et quelques membres du personnel de santé ont fait le choix de rester à Keshero, malgré le danger.

 

Un retour timide des déplacés

 

Ce n’est pas la première fois que cette situation se présente puisque le volcan est entré en éruption en 1977, faisant 600 morts, et en 2002, provoquant la destruction d’une partie de la ville de Goma ainsi que le décès d’une centaine de personnes. L’éruption de 2002 a eu lieu dans un contexte politique et militaire très tendu entre la RDC et le Rwanda.

Pour les déplacés, les situations sanitaire et alimentaire sont très dégradées. Une épidémie de choléra s’est déclarée à Saké et les distributions alimentaires du PAM sont en quantité insuffisantes. « Tout est fermé : les marchés, les institutions d’Etat, etc. Il y a un énorme manque de vivres. Ces pénuries touchent les familles les plus démunies », souligne sœur Adeline, « si la situation perdure, j’ai peur que nous ayons de plus en plus d’enfants malnutris. »

Le centre de la Providence est un centre nutritionnel créé à la suite de l’éruption de 2002 pour venir en aide aux enfants malnutris, conséquence de la situation humanitaire catastrophique qui a suivi l’éruption. En 2020, le centre a accueilli et soigné 115 enfants mal nourris dans le cadre d’un programme de prise en charge nutritionnelle, en plus d’aider à la scolarisation et formation professionnelle de 82 élèves pauvres ou issus du programme. « Depuis le 22 mai, je n’ai plus de nouvelle des enfants du programme. De plus, les écoles sont fermées. Mais certains déplacés reviennent à Goma malgré l’interdiction du gouvernement. La menace n’est toujours pas levée mais la lave s’est arrêtée de couler vers la ville dimanche 23 mai et les tremblements de terre diminuent en intensité. »

Ils seraient environ 60 000 déplacés réfugiés à Saké. Depuis plusieurs jours, certains déplacés ont choisi de rentrer à Goma. Trois raisons principales motivent cette décision : la sécurisation de leurs biens à Goma, le coût exponentiel des produits de première nécessité dans les villes qui accueillent les déplacés et la situation qui est relativement calme à Goma.

A ce jour, l’éruption aura fait une trentaine de morts. Selon l’UNICEF, plus de 150 enfants ont été séparés de leur famille et 170 sont portés disparus lors de la fuite de Goma.

 

Marie-Auxile Armand, assistante aux pôles Santé et Enfants de la Fondation Raoul Follereau, est l’invitée de RCF