Représentante de la Fondation Raoul Follereau en Guinée – et au Bénin, Alice Toussaint est rentrée d’une mission avec le Programme national de lutte contre la lèpre, en Guinée forestière, le 8 mai dernier.

 

 

Quel est le contexte propre à la Guinée forestière ?

 

Alice Toussaint : « La Guinée forestière est une région isolée du reste du pays : il faut compter 2 jours de route depuis Conakry, pour atteindre Nzerekore, chef-lieu de la région. La zone est frontalière avec la Côte d’Ivoire, le Liberia et le Sierra Leone, pays dont elle subit les instabilités depuis 30 ans. Elle a également été l’épicentre de l’épidémie du virus Ebola en 2014-2016.

En Guinée, les malades de la lèpre sont pris en charge dans des centres intégrés dits « LTO » : lèpre, tuberculose, onchocercose. Chaque maladie relève d’un programme national distinct. Depuis sa création, en 1987, le Programme national de lutte contre la lèpre (PNL) est soutenu par plusieurs partenaires auxquels il a confié des zones d’intervention précises : la Moyenne-Guinée à l’Ordre de Malte, la Haute-Guinée et la Basse-Guinée à la Fondation Raoul Follereau. La Guinée forestière, quant à elle, avait été confiée à une autre organisation qui est partie 2019 : depuis lors, la région ne bénéficiait plus de soutien d’un partenaire dans ses actions de lutte contre la lèpre. »

 

Quels sont les besoins qui y ont été identifiés, en termes de lutte contre la lèpre ?

Alice Toussaint : « Afin de pallier le départ du partenaire, le PNL a demandé à la Fondation Raoul Follereau d’évaluer les besoins en Guinée forestière. Des médecins de la Fondation s’y sont rendus à cette fin, à plusieurs reprises depuis 2022. À mon tour, la dernière mission effectuée m’a permis de visiter plusieurs centres de santé, de rencontrer les équipes soignantes et d’identifier les besoins auxquels répondre en priorité pour aider le PNL à relancer la supervision des centres, dans la région.

Il est apparu qu’aucune supervision n’avait été effectuée dans la région depuis 2019. Or de nombreux soignants sont partis à la retraite durant cette période également. Parmi les nouveaux infirmiers superviseurs de la lèpre, plusieurs manquent de compétences pour prendre en charge les complications liées à la maladie : formation et supervision régulière apparaissent indispensables. 

Sur le plan matériel, j’ai pu constater l’absence de documents de suivi, lesquels sont indispensables pour tenir les statistiques à jour et suivre les nouveaux cas dépistés : perdus de vue, les malades en cours de traitement ne guérissent pas et risquent de développer des invalidités. De plus, les moyens logistiques manquent pour faire du dépistage actif : lorsqu’un centre est équipé d’une moto, il n’a pas toujours le carburant pour l’utiliser. »

 

Comment la Fondation Raoul Follereau peut-elle apporter un soutien à la région ?

 

Alice Toussaint : « En Haute-Guinée et en Basse-Guinée, la Fondation soutient le PNL dans deux types de supervisions bisannuelles : d’une part, une tournée des centres de santé pour s’assurer que les stocks de traitement sont suffisants et que les malades sont bien suivis ; d’autre part, une supervision des soignants assurant la prise en charge des invalidités et la réadaptation physique (PIRP) des malades et anciens malades.

En Guinée forestière, l’objectif est de permettre à nouveau aux malades de la lèpre d’accéder aux soins. Pour cela, nous aidons le PNL à assurer une supervision annuelle des soignants des centres de santé de la région. Cela passe par un soutien financier et par un appui technique des médecins de la Fondation.

À Macenta, le Centre Hospitalier Régional Spécialisé (CHRS), est le centre de référence de la région en termes de lutte contre la lèpre. En 2023, 21 nouveaux cas y étaient dépistés. Depuis 2023, la Fondation prend en charge 20 patients hospitalisés par an, en finançant leurs repas et la prise en charge médicale. Il faut comprendre que bien souvent les malades épuisent leurs économies pour payer leur transport, ils n’ont plus de ressources pour acheter de quoi se nourrir le temps de leur hospitalisation. Une prise en charge pour un malade hospitalisé durant 3 mois coûte 350€ environ.

Enfin, la Fondation apporte un soutien pour approvisionner les centres en corticoïdes, qui permettent de traiter les complications liées à la lèpre. »

 

[En couverture : les représentants du Programme national de lutte contre la lèpre, l’équipe du CHRS de Macenta, le dr Fatoumata Sakho et Alice Toussaint, devant le CHRS de Macenta.]