En Côte d’Ivoire, à Gagnoa, et au Niger, dans la périphérie de Niamey, la Fondation Raoul Follereau soutient des programmes répondant à une approche de plus en plus globale des maladies tropicales négligées à manifestation cutanée.

 

« Il faut toujours écouter, beaucoup écouter. »

Le docteur Christian Johnson, conseiller médical de la Fondation Raoul Follereau, insiste sur cette clef essentielle des programmes dits 360° développés par la Fondation. Au début des années 2000, au Bénin, il constate que d’anciens malades de la lèpre reviennent au centre de traitement avec des plaies rouvertes et des infections osseuses, le manque d’eau ne leur permettant pas de nettoyer eux-mêmes leurs plaies. Il importe donc d’améliorer les accès à l’eau et à un système d’assainissement.

La Fondation intègre alors à ses programmes de santé (dépistage, traitement et soins) une composante Eau, Hygiène et Assainissement.

À Chiépo, le programme mené de 2020 à 2022 avec la Fondation Anesvad, à la demande du PNEL* de la Côte d’Ivoire, a eu pour objet de soigner les malades et sensibiliser les populations aux maladies tropicales négligées (MTN) ; et aussi de favoriser les conditions d’une santé globale en améliorant l’accès à l’eau potable et en réhabilitant le dispensaire et la maternité. « Et c’est ce qui a permis une bonne adhésion de la population. » (Dr. C. Johnson)

À Chiépo, la lutte contre les MTN passe aussi par la sensibilisation et l’information. ©IDC Media

 

Dans le même temps, il est apparu indispensable de mobiliser les communautés locales dès le début des projets, afin d’inscrire les changements dans la durée. Ces programmes globaux qui intègrent désormais une composante communautaire sont en cours en Côte d’Ivoire, à Gagnoa, et au Niger, dans la banlieue de Niamey.

 

« Les habitants n’ont plus peur de la lèpre »

Au sud de la Côte d’Ivoire, les deux districts sanitaires de Gagnoa comptent plus de 220 000 habitants. Une co-endémicité des MTN à manifestation cutanée – lèpre, ulcère de Buruli, pian et gale – y a été démontrée.

En juillet 2022, la Fondation Raoul Follereau, en collaboration avec le PNEL*, le PNLUB* et la Fondation Anesvad, a lancé un programme global intégrant les communautés locales.

Une première étape a consisté à aller rencontrer les chefs des soixante villages. Décidés à amorcer un changement dans leurs communautés, ces derniers se sont ensuite adressés aux habitants. Soixante comités ont alors été créés, composés chacun de représentants de la chefferie, des soignants, des enseignants, des femmes, des jeunes, des étrangers, des différentes religions.

La Fondation assure, auprès de ces comités, des formations et un accompagnement sur le long terme, car ainsi que l’indique Emmanuel Konan, chargé de la mobilisation communautaire :

« Le changement des comportements va prendre du temps. »

Chaque comité s’est attaché à définir des solutions aux problèmes rencontrés par la communauté. De nombreuses initiatives ont été prises : dans un village, les femmes se sont cotisées pour entretenir les accès à l’eau potable. Dans un autre village, les habitants ont pris en charge la gestion du marché et ont débuté la construction de nouvelles salles dans l’école primaire.

Et les mentalités changent. À l’invitation d’un comité, les habitants sont désormais vigilants aux tâches suspectes sur leur peau : « Aujourd’hui ces habitants n’ont plus peur de la lèpre, et comprennent au contraire qu’ils ont tout à gagner à aller se faire dépister. » (Emmanuel Konan)

Au cours de l’année 2023, les membres des comités ont procédé eux-mêmes au recensement de la population de Gagnoa. Ils ont pu repérer, à cette occasion, des personnes potentiellement atteintes par des MTN, et annoncer, jusque dans les hameaux les plus reculés, le dépistage des MTN par l’équipe soignante de la Fondation et les infirmiers des districts. Ce dépistage par les équipes soignantes a commencé en septembre et se poursuivra dans les mois à venir.  

Afin d’améliorer l’accès aux soins, la Fondation finance aussi la réhabilitation des centres de santé de deux villages de Gagnoa, Bobia et Oteoha, très délabrés.

 

« La communauté devient actrice de son propre changement. »

Aux portes de la capitale nigérienne, le quartier de Koira Tégui est un ancien village de malades de la lèpre où se sont réfugiées les populations vulnérables de la capitale : plus de 45 000 personnes y vivent dans des conditions insalubres.

En 2022, en lien avec le PNLD, le CNDL et l’ANRF*, la Fondation Raoul Follereau a lancé un programme qui prévoit le dépistage des maladies de peau dont la lèpre, l’accès à l’eau, la formation à l’auto-soin, la prise en charge du handicap et la mobilisation de la communauté.

« Approcher une communauté demande du temps. Le plus important est d’amener celle-ci à comprendre son besoin et à prendre confiance en elle, qu’elle devienne actrice de son propre changement »

explique Issiakou Djibo, directeur de l’ONG* ISSA Niger, partenaire de la Fondation.

Dans la première zone d’intervention définie par le programme, quatre comités ont été formés avec les représentants des différents groupes (chefs de village, soignants, responsables religieux, instituteurs…).

« Le travail est progressif, il y a une telle précarité dans le quartier, on avance par de petits projets », souligne Issiakou Djibo. Ainsi, face au manque de cohésion sociale, l’un des comités a invité les habitants à visiter les personnes seules et financer des bourses scolaires. Un autre comité, travaillant au problème de l’insalubrité, a mis en place des journées de nettoyage . Les huit écoles de la zone ont chacune monté un club d’hygiène avec les enfants.

Saluant toutes les initiatives prises par la communauté, la mairie du quartier a elle aussi apporté son soutien en finançant la pose de latérite pour faciliter les déplacements des personnes en fauteuil roulant.

Un club d’hygiène dans une école de Koira Tégui. ©Issa Niger

En septembre, l’équipe mobile du PNLD* a commencé le dépistage des MTN dans la première zone, grâce au recensement préalable par les comités des 1 200 personnes présentant des problèmes de peau.

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Les équipes sur le terrain, à l’écoute des communautés depuis de nombreuses années, permettent ainsi à la Fondation Raoul Follereau de développer des programmes de lutte contre les MTN à manifestation cutanée de plus en plus intégrés, globaux et adaptés à chaque localité.

 

(*)

– PNEL : Programme national d’élimination de la lèpre
– PNLUB : Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli
– PNLD : Programme national de lutte contre la lèpre et les dermatoses
– CNDL : Centre national de dermato-léprologie de Niamey
– ANRF : Association nigérienne Raoul Follereau
– ONG : organisation non gouvernementale