L’émotion est grande vendredi 7 juillet lorsqu’Étienne accoste le port de Tripoli. À 21 ans, Étienne Tertrais a traversé neuf pays en quatre-vingts jours, sur son monocycle, pour les enfants porteurs de handicap de l’école Saint François d’Assise de Menjez, au nord du Liban. Une équipe de bénévoles libanais et français de la Fondation Raoul Follereau, rejoints par des enfants venus de l’école de Menjez, l’accueillent à Tripoli avant de tous se rendre à Beyrouth. 

 

Vendredi 7 juillet, le soleil se lève doucement sur les petites îles au large de Tripoli. Le cœur noué, de cette nostalgie propre aux fins de voyage, Étienne contemple la côte libanaise dont il a rêvé durant ses quatre-vingts jours de périple.

Ayant vécu au Liban adolescent, il ne découvre pas le pays mais l’approche d’une toute autre manière. Les deux étés précédents, Étienne était également parti comme volontaire au sein de projets soutenus par la Fondation Raoul Follereau au Liban. En 2023, il a souhaité rejoindre ce pays qui lui est cher, à monocycle, dédiant ce voyage aux élèves porteurs de handicap de l’école de Menjez, à la frontière syro-libanaise.

Voir l’article : 4000 km à monocycle pour les enfants de l’école Saint François d’Assise à Menjez

Le rythme lent et le caractère insolite du monocycle ouvrent aux rencontres

« Le monocycle est très avantageux, il attire les curieux, petits et grands, et permet ainsi les rencontres. Dans tous les pays traversés, j’ai été invité à partager un repas, à dormir une nuit. »

Parmi les rencontres marquantes, Étienne fait mémoire de celle d’un homme sans lequel l’aventure aurait bien pu s’arrêter sur les rives de la Meuse, avant même de franchir la première frontière. Passionné de mécanique deux roues et animateur d’une chaîne Youtube, il aperçoit Étienne au pied de sa porte, alors que la roue de celui-ci est en piteux état. Dans son atelier, il lui fabrique gracieusement un système solide et adapté à son monocycle grâce auquel Étienne a pu repartir : « c’était une rencontre exceptionnelle, un bricoleur incroyable avec un cœur en or ! »

Étienne a encore été profondément marqué par l’accueil de cette femme aux portes de Strasbourg. À la suite d’une simple discussion dans un bar, celle-ci lui propose de planter la tente dans son jardin, puis lui ouvre sa maison et finit par lui confier ses clefs le temps d’une course. « Elle m’a fait une confiance totale… et m’a suivi et soutenu sur les réseaux sociaux durant les trois mois qui ont suivi. »

Combien de fois la scène s’est-elle reproduite ensuite ! Se présentant dans un état de propreté parfois discutable, ne parlant pas toujours la langue du pays, Étienne a tout au long de sa route, à quelques exceptions près, reçu un accueil dans les villages traversés.

« J’ai énormément reçu durant ces trois mois. Ce n’était pas toujours facile de rencontrer des personnes, de recevoir énormément d’elles et repartir le lendemain en les quittant avec un simple sourire et un « merci ». Mais c’étaient de vraies rencontres, et je crois qu’ils ont, d’une certaine manière, aussi participé à l’aventure. »

En Turquie, Étienne expérimente la proximité avec les habitants

Après avoir parcouru les routes de France, d’Allemagne et d’Autriche, de Slovaquie, d’Hongrie et de Croatie, après avoir retrouvé la Serbie – où il avait vécu en famille – et bénéficié de l’hospitalité en tous lieux des Bulgares, Étienne découvre la Turquie en entrant par la ville d’Edirne.

Les derniers pays traversés étaient marqués par une culture chrétienne orthodoxe. En Turquie, Étienne fait ses premiers pas dans un pays à majorité musulmane, au chant du muezzin. Le climat chaud et sec à partir d’Istanbul se distingue également de la fraicheur des Balkans.

Il ne lui faut pas moins de deux semaines pour parcourir les 700 kilomètres qui séparent Edirne, au nord-ouest, du port de Taşucu, au sud du pays. Le pays est quadrillé de grandes artères routières qu’emprunte Étienne pour pédaler en sécurité. Il fait halte à l’ombre des stations services où les agents ne manquent pas de lui offrir le thé.

Étienne reçoit là encore un accueil chaleureux. Des gendarmes lui proposent de planter sa tente dans l’enceinte de la caserne et partagent avec lui un barbecue. Un groupe de quatre jeunes l’invitent à leur table au restaurant, avant de l’emmener danser avec eux. Hébergé dans un centre sportif, il est recruté par le gardien pour une partie de pingpong.

 

De Tripoli à Beyrouth, avant de mettre cap sur Menjez et l’école Saint François d’Assise

À Tripoli, toute une équipe s’est mobilisée pour accueillir Étienne. Menés par Roger Khairallah, le représentant de la Fondation Raoul Follereau au Moyen Orient, les bénévoles libanais et volontaires français mais aussi quelques élèves de l’école de Menjez ont entouré le voyageur fraichement descendu de bateau, après la longue traversée depuis Taşucu.

Étienne est chaleureusement accueilli à Tripoli. © FRF

Accompagné des bénévoles et volontaires à vélo, Étienne a ensuite franchi les derniers kilomètres le menant jusqu’à la rue Monot, à Beyrouth, siège de la Fondation au Moyen-Orient.

À Beyrouth, il a également été accueilli par son sponsor, la chaîne de restaurant Malakaltawouk, en présence de M. Tarek Mekkaoui, venu de France pour lui exprimer son soutien. 

Et lundi10 juillet, à la frontière syro-libanaise, les soixante élèves porteurs de handicap de l’école Saint François d’Assise de Menjez ont enfin vu arriver Étienne, pédalant sur son unique roue.

Après un temps joyeux de salutations, les jeunes ont eu tôt fait de conduire le voyageur en cuisine. Se régalant de leurs pâtisseries au sésame et admirant la présentation des plats confectionnés par les plus grands, Étienne a enfilé toque et tablier et s’est mis à son tour à l’école du chef pâtissier. Il salue le dévouement de cet homme qui a choisi de mettre ses talents et compétences au service des élèves, dans une région éloignée de la capitale, au creux des monts du Akkar. 

Au sein de l’école Saint François d’Assise de Menjez, Étienne entouré de quelques élèves. © FRF

En présence du chef pâtissier et de ses élèves. © FRF

L’école Saint-François d’Assise a accueilli, en 2022-2023, 388 élèves dont 60 élèves, âgés de 4 à 18 ans, porteurs de handicap qui suivent une formation en cuisine et pâtisserie. La Fondation Raoul Follereau soutient l’école depuis 2016 et a financé l’équipement complet de la cuisine en 2021.

Étienne avait ouvert une cagnotte qui a été alimentée tout au long de son voyage par de généreux donateurs. Celle-ci est accessible jusqu’au 31 août 2023 : ICI. Lors de sa visite à Menjez, Étienne a officiellement remis la première partie des fonds collectés aux religieuses gérant l’école St François d’Assise, marquant ainsi la fin de son périple. Le reste des fonds leur sera remis à la clôture de la cagnotte.

« J’ai beaucoup appris des rencontres. À mon tour, j’espère être aussi accueillant pour tous ceux qui toqueront à ma porte. »

« Il y a beaucoup de jeunes qui partent voyager, découvrir d’autres mondes. Si j’ai une invitation à faire c’est : cherchons grand !

Cela donne tellement de sens à l’aventure de courir pour une cause ! »