Souvent appelé la « première entreprise de France », l’artisanat représente 3,1 millions d’actifs. Pourtant, créer son entreprise n’est pas toujours une mince affaire en zone rurale. Rencontre avec Philippe Gouez, un luthier guitariste indépendant, qui a pu créer son atelier de lutherie avec l’aide de la Fondation Raoul Follereau.

 

Au fond d’un petit jardin, dans le village de Hanches (Eure-et-Loir), se trouve un atelier un peu particulier. Une fois passée la porte d’entrée, quelques notes de musique s’échappent, rapidement couvertes par les bruits de lime sur le bois. « Bienvenue dans mon atelier », lance Philippe Gouez, trente ans et luthier indépendant depuis trois ans. Dans cet écrin de bois, le jeune homme créé, répare, règle et vend des guitares. Une passion qui l’anime depuis l’enfance dont il a su faire son métier à force de travail et de ténacité.

 

Six à dix mois de fabrication

 

« Ce qui me plaît dans ce métier, c’est de construire à la main quelque chose d’unique qui sera utile, à partir d’un simple morceau de bois », confie le jeune homme. La première étape de fabrication d’une guitare est la table d’harmonie. Une opération qui demande une grande connaissance du bois puisque sa coupe et sa qualité vont avoir un impact important sur la qualité du son. « Je travaille principalement avec de l’épicéa du Jura car il résonne très bien. En revanche, c’est un bois qui ne va pas convenir à un jeu fort. Il sera excellent pour la brillance du jeu au doigt. Pour jouer du blues, par exemple, il vaut mieux une guitare en acajou de Cuba, qui rehausse les médians. » L’atelier de Philippe Gouez recèle de trésors ligneux. Avec précaution, le luthier nous montre un bois précieux, brun délicatement marbré, appelé ziricote. « Le Ziricote est un bois d’Amérique centrale très prisé en ébénisterie et lutherie pour son esthétique. »

 

 

 

Une guitare nécessite six à dix mois de fabrication. « Je travaille en lien avec le musicien et prends le temps nécessaire à la conception d’un instrument fidèle aux désirs du client. C’est la force de l’artisanat, qui nous différencie des magasins de musique. » Pinces et limes soigneusement ordonnées tapissent un pan du mur de l’atelier. En dessous, une guitare en devenir est fixée sur la table. Tel un dentiste, Philippe Gouez examine l’intérieur de la guitare à l’aide d’un petit miroir au bout d’une tige de fer. A l’intérieur, un labyrinthe de bois blanc se dessine dans le reflet : le barrage. « Le barrage est un ensemble de petites barres de bois qui vont renforcer la table d’harmonie et lui permettre de supporter la pression des cordes », explique le luthier. L’agencement, pensé et mesuré, fera aussi battre le cœur de la guitare en assurant la propagation des ondes sonores dans la table. Avec le temps, tel un grand cru, la guitare va se bonifier. « Le bois est une matière vivante qui va évoluer au fil des années. Le son sera bien meilleur. »

 

« Ce n’est pas facile de se mettre à son compte. »

 

Pour être luthier, avoir plusieurs années d’expérience professionnelle dans le domaine du bois « est indispensable. Personne ne vous acceptera en apprentissage sans ce bagage. » Philipe Gouez en a fait l’expérience. A peine son baccalauréat en poche, il fait le tour des ateliers de lutherie parisiens, CV à la main. « J’étais un peu naïf », dit-il en souriant, « j’ai suivi une formation en restauration de mobilier d’art et travaillé chez un menuisier-ébéniste pendant quatre ans pour bien connaître la mécanique du bois. » Philippe Gouez part ensuite en apprentissage de lutherie guitare dans le Nord de la France, chez Richard Baudry, dans le but de s’installer à son compte. « Après avoir passé mon diplôme d’Etat, je suis retourné à Hanches, chez mes parents », raconte le jeune homme. « Cela n’a jamais été facile de m’installer à mon compte. J’ai été suivi et soutenu, entre autres, par la Fondation Raoul Follereau. C’est vraiment grâce à ces gens-là que j’ai pu créer mon entreprise. »

Petit à petit, Philippe Gouez développe sa clientèle dans le milieu musical grâce au bouche à oreille. « J’ai des commandes de musiciens, de professeurs de musique, etc.  Ce que les clients apprécient le plus dans mon travail, c’est la qualité du son des instruments. » Dans quelques années, le luthier souhaiterait embaucher des apprentis pour les aider ensuite à développer cet artisanat.