En 2025, l’Union Européenne a apporté son soutien au projet TEBULA développé par un consortium international coordonné par le Dr Christian Johnson.
Basés sur la molécule Télacebec, les travaux visent à simplifier et améliorer le traitement de la lèpre et le traitement de l’ulcère de Buruli.
Dr Christian Johnson, en juin dernier, le projet TEBULA a reçu le soutien de l’Union Européenne, dans le cadre du projet Horizon. D’un montant de 5,7 millions d’euros, l’aide permet de financer 95% du projet. Comment le consortium est-il parvenu à obtenir ce soutien ?
Dr Christian Johnson, directeur médical de la Fondation Raoul Follereau : Les demandes de fonds publics telles que celles portées devant l’Union Européenne sont très compétitives. Cela relève même du défi lorsqu’il s’agit d’obtenir un financement pour la recherche sur les maladies tropicales négligées, qui portent bien leur nom. Ces maladies dont font partie la lèpre et l’ulcère de Buruli, atteignent des populations pauvres, qui n’ont pas de voix politique ni économique.
Quand nous avons élaboré le projet TEBULA, nous avons mis tous les atouts de notre côté : d’abord en réunissant un consortium de qualité, constitué d’experts et d’institutions réputés pour leur excellence dans leurs domaines d’expertise respectifs ; ensuite en rédigeant un projet solide.
[Le consortium est constitué des organisations suivantes : la Fondation Raoul Follereau (coordinateur), l’organisation TB Alliance (propriétaire de la molécule Télacebec), le Centre de recherche collaborative de Kumasi en médecine tropicale (KCCR), l’Université des sciences et technologies Kwame Nkrumah (KNUST), l’Institut pour la Fondation génétique tropicale (ITM), l’Ecole de médecine tropicale de Liverpool (LSTM), l’Institut de Santé Carlos III (ISCIII), la Sorbonne Université (SU), l’Institut de recherche Armauer Hansen (AHRI), le Centre Pasteur du Cameroun (CPC), l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM), l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres (LSHTM), les laboratoires de recherche sur les mycobactéries (MRL) de l’université d’Etat du Colorado (CSU), l’Hôpital spécialisé complet ALERT, le Ministère de la santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle de Côte d’Ivoire, le Ministère de la Santé du Bénin, l’Union Européenne (bailleur de fonds).]
Sélectionnés durant la première phase d’étude des candidatures, nous avons ensuite été mis sur liste d’attente. Ce fut une très grande joie d’apprendre que nous avions finalement été retenus !
FRF : En quoi la molécule Télacebec, qui a déjà démontré son innocuité et son efficacité lors d’essais cliniques sur des malades de la tuberculose, promet-elle aussi des avancées significatives dans la recherche sur de nouveaux traitements de la lèpre et de l’ulcère de Buruli ?
Dr Christian Johnson : Depuis les années 1980, nous utilisons le même traitement contre la lèpre : une combinaison de dapsone, rifampicine et clofazimine, sur une durée allant de 6 mois pour les formes paucibacillaires de la lèpre à 12 mois pour les formes multibacillaires. Il devenait incontournable de faire évoluer le traitement en raison d’une part du risque d’apparition de résistances, d’autre part des obstacles rencontrés sur le terrain : la lourdeur du traitement et les difficultés de suivi des patients traités en ambulatoire.
En 2025, nous avons publié les résultats très encourageants de l’essai sur la Bedaquiline. Dans le même temps, des études précliniques menées par le professeur Alexandra Aubry et des chercheurs de la Sorbonne Université, l’Université Paris Cité et l’Université Technologique Nanyang (Singapour), ont démontré l’activité bactéricide très importante, à faible dose, de la molécule Télacebec : Unprecedented in vivo activity of telacebec against Mycobacterium leprae
En termes de durée, la perspective est une réduction de 12 mois à 3 mois, avec une dose unique mensuelle : c’est une formidable opportunité de pouvoir améliorer les conditions de traitement des malades de la lèpre.
Quant au traitement sur l’ulcère de Buruli, Télacebec a également montré une forte activité contre la bactérie responsable de l’ulcère de Buruli – Mycobacterium ulcerans. Jusqu’alors, le traitement de l’ulcère de Buruli est constitué d’une combinaison de 3 comprimés, à prendre chaque jour pendant deux mois. L’essai sur Télacebec vise à montrer qu’un médicament unique administré pendant quelques semaines au maximum sera plus sûr et mieux toléré qu’une bithérapie pendant deux mois.
Quelles sont les étapes en cours, en décembre 2025 ?
Dr Christian Johnson : Actuellement, nous rédigeons les deux protocoles : le professeur Richard Philipps (Ghana) s’occupe du protocole pour le volet ulcère de Buruli, et moi-même je coordonne le volet lèpre.
Nous estimons que nous pourrons présenter, d’ici à la fin du 1er trimestre 2026, les protocoles de recherche aux Comités d’éthiques des pays concernés : le dossier sera soumis au Bénin, en Côte d’Ivoire et en Ethiopie pour les essais sur la lèpre ; au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Ghana, pour les essais sur l’ulcère de Buruli.
Site internet du projet TEBULA : Telacebec to Control Buruli Ulcer and Leprosy
Voir aussi : Telacebec : une nouvelle molécule prometteuse contre la lèpre