Dans le nord de Madagascar, sœur Jacqueline soigne sans relâche les exclus de la lèpre depuis plus de 50 ans. Parmi ces derniers, un père et sa fille sont arrivés au dispensaire d’Ambanja, après des années d’errance.

 

« On a crié trop vite que la lèpre était éradiquée ! » s’indigne sœur Jacqueline, « on a aujourd’hui encore des cas graves, c’est parfois catastrophique, ils arrivent avec des nodules aux oreilles, sur le nez, des pieds très abîmés ». La religieuse est la responsable du dispensaire d’Ambanja, au nord-ouest de Madagascar : elle y soigne avec dévouement, depuis 1972, les malades de la lèpre.

Au début des années 2000, l’Organisation mondiale de la Santé a estimé que la lèpre était passée, au niveau mondial, sous le seuil de prévalence d’1 malades pour 10 000 habitants : elle n’est donc plus considérée comme un « problème de santé publique ». Toutefois certains pays demeurent au-delà de ce seuil : les nombreux nouveaux cas qui y sont déclarés, chaque année, viennent s’ajouter à tous les malades en cours de traitement ou en réaction. À Madagascar, en 2024, 1713 nouveaux cas ont été dépistés, dont 56 au dispensaire d’Ambanja. Ce dispensaire est l’un des 19 grands centres de traitement de la lèpre du pays. Les cas les plus compliqués y sont pris en charge et jusqu’à 50 malades peuvent y être hospitalisés, dont parfois des familles entières.

Le long périple de Kililisoa et son père jusqu’à Ambanja

Un matin de mars 2024, un homme et sa fille de 8 ans se présentent à la porte du dispensaire d’Ambanja. Sœur Jacqueline les reçoit et examine le père : « il était très atteint par une lèpre multibacillaire, j’ai alors examiné sa fille et elle avait, elle aussi, des taches sur tout le corps ». Au cours de la consultation, l’homme relate son histoire à la religieuse : originaire de Tuléar, au sud du pays, il s’était séparé de sa femme des années auparavant et celle-ci lui avait abandonné leur dernière fille, Kililisoa, âgée de 6 mois. Le père et le nourrisson entreprirent un voyage qui allait durer plusieurs années, jusqu’au nord du pays. L’homme finit par trouver du travail au sein d’une plantation de cannes à sucre renommée et ils s’installèrent dans la province de Diego-Suarez. Tous les matins, il confiait son enfant aux voisins et courait le soir la retrouver. Les années passèrent et des taches et nodules apparurent sur le corps et le visage de l’homme : des collègues, anciens malades de la lèpre, reconnurent la maladie et lui recommandèrent de se rendre au dispensaire d’Ambanja.

18 mois plus tard, sœur Jacqueline se réjouit du changement observé chez le père et la fillette : « Kililisoa est très joyeuse aujourd’hui, elle vit avec les autres boursières de notre école et son père dans le village voisin du centre : ils sont restés très proches ». Si Kililisoa a pu guérir sans séquelles grâce au dépistage précoce, son père reçoit encore des soins en raison des complications liées à la maladie. Boursière de la Fondation Raoul Follereau, l’enfant a récemment confié son rêve à la religieuse : « je veux devenir docteur » a-t-elle soufflé, le regard plein d’espoir.

 

Sœur Jacqueline, aux côtés de Kililisoa