Roger, ancien malade de la lèpre, est le cordonnier de Marana.

 

Le silence règne dans l’atelier de Roger. Penché sur son ouvrage, seul le bruit mécanique de la machine à coudre habite l’espace. Le cordonnier est concentré. Avec dextérité, il fixe de fines sangles de cuir sur une semelle un peu particulière. Très légère, la chaussure possède une courbure adaptée aux pieds mutilés par la lèpre. « Ces chaussures sont assez simples à réaliser », explique le jeune homme, « je mets environ un jour et demi à les faire. » Nous sommes à la cordonnerie de Marana. Roger en est l’unique cordonnier. Une profession essentielle pour aider les anciens malades handicapés par la lèpre à retrouver une vie à peu près normale. Roger connaît bien les enjeux : il est lui-même un ancien malade.

 

Un nouveau départ

 

« Je suis arrivé à Marana à cause de la lèpre. Une fois guéri, j’ai commencé une formation de cordonnier », explique-t-il. Marié à une ancienne malade et père de 4 enfants, il habite au village de Marana. Roger est venu au centre à l’âge de 15 ans. Opéré plusieurs fois des nerfs, il a les pieds et deux doigts de la main abîmés par la lèpre. Ce qui ne l’empêche pas de travailler, au contraire : « J’ai décidé de travailler pour les personnes mutilées par la lèpre suite à ce que j’ai vécu. J’étais malade comme eux. Je me sens proche d’eux car je sais ce qu’ils ressentent. C’est pour cela que j’aime bien m’occuper d’eux en fabriquant des chaussures. Je le fais vraiment avec tout mon cœur. »

 

Roger est le seul cordonnier de Marana. © Marie-Charlotte Noulens

 

Blouse bleue et casquette rouge constamment vissée sur la tête, Roger se forme constamment aux nouvelles techniques. Sur son établi, embauchoirs, pièces de cuir et outils s’accumulent dans une pagaille organisée. « Je fabrique des semelles thermo moulées afin d’avoir bien la forme du pied du malade puis je l’ajuste avec la ponceuse. C’est une grande satisfaction et fierté pour moi de voir un ancien malade handicapé qui peut marcher à nouveau avec des chaussures bien faites, afin qu’il puisse vivre normalement, comme tout le monde. » Dans l’air flotte une odeur de colle et de plastique chauffé. Chaque coin de la pièce est encombré de vieilles béquilles. Ici, c’est un peu comme la grotte de Lourdes : chacun repart sur ses deux pieds en laissant son ancienne vie derrière soi pour un nouveau départ.